La motivation, un levier de performance: résumé à l’attention des dirigeants
Comment expliquer que la valorisation boursière d’une entreprise comme LinkedIn créée en 2000 dépasse celle de Peugeot ? Ou qu’Airbnb, fondée en 2008, pèse déjà deux fois plus que le groupe hôtelier Accor et ses 482 000 chambres dans le monde[1] ? Ceci vient tout simplement du fait que ces entreprises ont été capables d’imaginer et de concevoir les meilleurs produits et services sur leurs marchés respectifs. Pourtant, la concurrence est particulièrement rude dans le monde de l’économie numérique. Pourquoi Airbnb et pas un autre ? Ces entreprises qui sortent du lot ont un point commun : elles portent une très grande attention à la motivation et au potentiel de chaque personne qui les rejoint pour contribuer à leur succès. Elles misent tout sur leurs équipes et s’appuient sur des innovations permanentes en matière de ressources humaines.
« Le leadership technologique n’est pas une question de brevets, qui se sont à maintes reprises dans l’histoire révélés être une bien mince protection contre un concurrent spécifique. Il dépend surtout de la capacité d’une entreprise à attirer et à motiver les ingénieurs les plus talentueux dans le monde. Nous sommes convaincus qu’appliquer la philosophie de l’open source à nos brevets ne fera que renforcer plutôt que d’amoindrir la position de Tesla dans ce domaine. » Elon Musk, CEO Tesla Motors, 12 juin 2014
L’excellence des équipes est recherchée à tous les niveaux de l’entreprise. Cela ne s’arrête pas aux ingénieurs ou à des personnes identifiées comme clés. Airbnb s’assure par exemple que chaque personne qui travaille dans ses call centers dispose de l’énergie nécessaire pour créer la meilleure relation possible et apporter le meilleur service possible au client. Zappos, l’un des leaders de la vente en ligne de chaussures et de vêtements, est aussi devenu un maître en la matière. Tandis que d’autres entreprises ont des call centers dont les collaborateurs sont là faute de mieux, avec un niveau de turnover très élevé et des résultats moins brillants…
Les dirigeants des entreprises traditionnelles sont-ils moins convaincus que les autres que la clé du succès repose sur leurs collaborateurs ? Cela ne semble pourtant pas être le cas, comme en témoignent la plupart des messages diffusés sur les sites Internet de ces entreprises.
« La cohésion de notre groupe, la qualité et l’engagement des femmes et des hommes qui le composent seront essentiels à notre succès. » Plan stratégique « Grandir autrement », BPCE.
« L’engagement et l’inventivité permanente des collaborateurs du Groupe sont au cœur de son développement. » Rapport annuel, Air Liquide
« L’engagement de nos collaborateurs est crucial pour la satisfaction de nos clients et la construction de la banque de demain. » Site de recrutement de la Société Générale
Mais les entreprises qui ne partent pas de zéro sont dans une situation très différente de celle des start-up, puisqu’elles doivent réussir avec des équipes déjà en place qui pour beaucoup ont été embauchées dans un autre contexte, pour des missions différentes de celles dont elles ont la responsabilité aujourd’hui. Ces entreprises doivent ainsi être encore plus innovantes en matière de ressources humaines, explorer de nouvelles voies et identifier de nouveaux leviers pour que chacun de leurs collaborateurs reste ou redevienne un talent.
Qu’est-ce qu’un talent ?
On ne naît pas talent, on le devient. Ce talent vient de la motivation que l’on éprouve à évoluer dans un domaine particulier et à travailler sur un sujet qui nous intéresse, ce qui nous donne l’énergie nécessaire pour développer les compétences, parfois de haut vol, nécessaires pour réussir.
Les travaux de Carol Dweck, professeur à Stanford, ont démontré que n’importe qui peut développer à peu près n’importe quelle compétence à partir du moment où il est convaincu qu’il peut le faire. Les recherches sur la neuroplasticité du cerveau montrent quant à elles que toute personne peut potentiellement et rapidement développer des compétences très poussées si elle est motivée pour le faire. D’autant que les outils et méthodes permettant l’acquisition de connaissances sont de plus en plus performants.
La priorité absolue pour obtenir une équipe composée de talents est donc la gestion de la motivation. C’est un levier clé de différentiation et de performance.
Qu’est-ce qui nous motive ?
En matière de motivation, chaque personne est différente et possède des intérêts professionnels et une combinaison de ressorts clés de motivation qui lui sont propres. Ces ressorts se sont construits à travers son histoire personnelle, ses expériences (milieu social et familial, rencontres, parcours professionnel), ses réussites et ses échecs. Ils continuent à évoluer au fur et à mesure que l’on avance dans la vie.
Pour cette raison, les mesures globales qui cherchent à (re)motiver tous les collaborateurs sont inefficaces. Une action qui agit positivement sur la motivation de certains collaborateurs pourra produire l’effet inverse sur d’autres. Puisque les entreprises savent aujourd’hui identifier et répondre aux besoins très spécifiques que chaque client (ce qui a fait la fortune de Google), il leur faut développer les mêmes compétences auprès de leurs collaborateurs !
Comme on ne peut pas se motiver à la place de quelqu’un d’autre… Il n’y a pas d’autre solution que d’aider chaque collaborateur à devenir acteur de sa propre motivation.
Quel rapport entre motivation et engagement ?
L’engagement désigne un état psychologique dans lequel l’employé s’identifie fortement avec l’entreprise, ses besoins et ses objectifs et de ce fait est prêt à se dépasser pour assurer son succès.
De nombreuses entreprises réalisent des baromètres d’engagement. Selon Gallup, entre 20 et 30 % des collaborateurs se disent activement engagés, ce qui est très peu. Certains dirigeants, RH, et managers s’étonnent de ces résultats. Ils sentent bien que quelque chose ne va pas, mais ont le sentiment que les collaborateurs sont malgré tout attachés à leur entreprise et apprécient leur travail. Pour mieux comprendre les résultats plutôt alarmants de ces baromètres, les recherches que nous avons menées en psychologie du travail et en psychosociologie auprès de nombreux collaborateurs nous ont permis de mettre en lumière le fait que la mesure de l’engagement telle qu’elle est actuellement pratiquée dans les entreprises ne permet pas à elle seule d’expliquer les mécanismes motivationnels au sein d’une équipe. C’est pourquoi, malgré les efforts et les actions mises en place par les entreprises dans ce domaine, le niveau d’engagement ne progresse pas à travers les années.
Motiva a ainsi développé son propre modèle, basé sur ce que nous appelons « l’état motivationnel ». Cet état distingue deux indicateurs :
L’engagement : à quel point un collaborateur se sent attaché à la réussite de son entreprise, fier d’y travailler, inspiré par son projet et par son mode de management, solidaire de ses collègues, etc. C’est une dimension plutôt affective.
La satisfaction motivationnelle : à quel point un collaborateur se sent satisfait de ce qui est important pour lui dans son travail actuel (par exemple « avoir des challenges permanents », « avoir un travail qui a du sens », « se sentir utile »). C’est une dimension plutôt rationnelle.
Le niveau d’engagement et de satisfaction motivationnelle d’un collaborateur permet de déterminer quatre états motivationnels distincts :
L’histoire d’amour : correspond aux personnes qui ont un niveau d’engagement plutôt haut envers l’entreprise et sont satisfaites d’une partie importante de leurs motivations clés. Leur relation avec l’entreprise est digne d’une histoire d’amour.
La désillusion : correspond aux personnes qui ont un niveau d’engagement plutôt haut envers l’entreprise mais ne sont pas satisfaites d’une partie importante de leurs motivations clés. Cela crée un sentiment de désillusion envers l’entreprise et le travail. C’est souvent le début d’un processus de désengagement qui conduit à l’état de « la séparation ».
Le mariage blanc : correspond aux personnes qui ont un niveau d’engagement plutôt bas envers l’entreprise mais sont satisfaites d’une partie importante de leurs motivations clés. La relation avec l’entreprise est basée sur le principe du donnant/donnant.
La séparation : correspond aux personnes qui ont un niveau d’engagement plutôt bas envers l’entreprise et ne sont pas satisfaites d’une partie importante de leurs motivations clés. Cela se traduit par un sentiment de séparation émotionnelle envers l’entreprise et le travail.
Lorsque nous mesurons l’état motivationnel dans les entreprises, la plupart du temps nous découvrons que l’engagement des collaborateurs est plutôt fort. Ils sont attachés à leur entreprise. Les problèmes se situent essentiellement au niveau de la satisfaction motivationnelle, qui est généralement basse. Beaucoup de collaborateurs se trouvent plutôt dans l’état motivationnel de la désillusion.
Cette prise de conscience permet d’orienter et de réorienter les actions RH et de management. Les concepts et outils présentés dans ce livre ont été conçus pour aider les collaborateurs, les managers et les services RH à renforcer la satisfaction motivationnelle au sein de l’entreprise, pour que le maximum de l’effectif se trouve dans l’état motivationnel de l’histoire d’amour.
Quel rôle joue le manager ?
75 % des collaborateurs quittent leur entreprise à cause de leur manager direct Inutile de préciser que ce dernier a donc un rôle important à jouer dans la motivation de son équipe… S’il doit bien évidemment éviter de démotiver ses subordonnés, il peut aussi devenir un coach pour les aider à se développer dans ce domaine. Il doit pour cela savoir gérer lui-même sa motivation au travail. Quoi de pire pour une équipe qu’un manager démotivé ?
Y a-t-il un modèle d’entreprise qui favorise la motivation ?
Basculer sur un modèle plus participatif, voire sans management – entreprise libérée (popularisée par Izaac Getz), holacratie – ou bien avec une finalité sociale (entrepreneuriat social), permet-il d’améliorer la situation motivationnelle de l’entreprise ? Pas si sûr. Comme nous l’avons vu, chacun a des motivations qui lui sont propres, mais la culture d’une entreprise, son style de management, son secteur, son business model attirent certaines personnes plus que d’autres. L’important n’est pas tellement le modèle mais plutôt le fait de s’assurer que chaque personne dans ce modèle se trouve dans un état motivationnel qui l’aide à être un talent pour l’entreprise.
Certains managers ou dirigeants qui changent de modèle un peu radicalement peuvent avoir quelques mauvaises surprises, tout en pensant bien faire. Imaginons par exemple un chef d’entreprise plutôt paternaliste, qui a toujours dirigé son entreprise de manière assez directive, et qui basculerait vers un modèle où il demanderait à ses collaborateurs d’être complètement autonomes. Il risquerait de générer la démotivation de ceux qui préfèrent un modèle plus hiérarchique dans lequel on leur attribue clairement des objectifs…
Lorsque Zappos a basculé vers le modèle de l’holocratie, même si la plupart de ses collaborateurs étaient déjà très autonomes, la suppression de la strate managériale a tout de même provoqué le départ de 12 % d’entre eux.
Si de nouvelles expérimentations entrepreneuriales voient le jour, de nombreux modèles de structures créant de la valeur vont à l’avenir coexister et collaborer indépendamment de leur forme juridique, de leurs modes d’organisation et de leur business model : entreprises traditionnelles ou libérées, entreprises sociales et solidaires, travailleurs indépendants, associations, coopératives, etc. L’important est que chacune de ces structures soit performante dans sa capacité à attirer et à fidéliser des collaborateurs qui soient et restent des talents (motivés et compétents) pour leur entreprise.
[1] http ://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/airbnb-l-entreprise-qui-valait-24-milliards-de-dollars_1691479.html